Par deux arrêts en date du 16 novembre 2022, la Cour de cassation a redéfini et précisé les contours de la fin des relations contractuelles entre agent commercial et mandant.
Plusieurs enseignements sont à retenir :
- Rupture à l’initiative du mandant : Attention à la rédaction du courrier de résiliation
La Cour de cassation a procédé à un revirement important en matière de résiliation du contrat d’agent commercial et de l’indemnité due (Com, 16 novembre 2022, FS-B, n°21-17.423, Acopal) pour se conformer à la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne (CJCE 28 oct. 2010, aff. C-203/09, Volvo).
En effet, aux termes de l’article L. 134-12, alinéa 1 du Code de commerce, en cas de cessation de ses relations avec le mandant, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice subi, sauf notamment si la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial (article L. 134-13 du même code).
Jusqu’à présent, la Cour de cassation admettait qu’une faute grave, même dénoncée postérieurement à la notification de la fin des relations contractuelles, était susceptible de priver l’agent de son droit à indemnité.
Autrement dit, le mandant pouvait simplement résilier le contrat sans mentionner l’existence d’une faute grave, le débat sur la faute n’intervenant qu’une fois que l’agent commercial réclamait son indemnité, et ce pour s’y opposer.
A compter de l’arrêt du 16 novembre 2022, cette façon de procéder est à bannir : pour faire échec au versement de l’indemnité, le mandant devra systématiquement invoquer la faute grave dans son courrier de résiliation comme étant à l’origine de la rupture.
Après l’envoi du courrier de rupture, il sera trop tard pour invoquer une faute et l’indemnité de fin de contrat pourra être sollicitée par l’agent commercial, même si celui-ci a effectivement commis une faute grave.
A l’instar du courrier de licenciement, le courrier de résiliation fixe les termes du litige.
A noter toutefois que la faute grave dénoncée ou découverte postérieurement à la rupture peut moduler le montant de l’indemnité due à l’agent commercial (arrêt CJUE Volvo), par l’octroi de dommages-intérêts au mandant.
Dans tous les cas la plus grande vigilance s’impose au moment de la rédaction du courrier de résiliation.
- Rupture à l’initiative de l’agent : la faute du mandant justifie la résiliation et ce même si une faute grave est invoquée par le mandant
Par cet arrêt du 16 novembre 2022, SBA (Com. 16 nov. 2022, F-B, n° 21-10.126), la Cour de cassation rappelle sans surprise qu’un agent commercial peut rompre le contrat lorsque des fautes sont imputables au mandant.
En l’espèce, les fautes étaient les suivantes :
- refus de transmettre des documents relatifs aux commissions
- commercialisation des produits confiés à l’agent par le mandant
Mais surtout, la Cour se place en complément de l’arrêt Acopal visé ci-dessus : lorsque l’agent est à l’initiative de la rupture, l’indemnité de fin de contrat lui est acquise, « quand bien même celui-ci aurait commis une faute grave dans l’exécution du contrat » (§ 5).
Ce qui signifie que la faute grave de l’agent, non dénoncée par le mandant, même si elle existe, n’a aucun effet sur le principe de l’indemnité.
La solution est logique à la lumière de l’arrêt Acopal analysé ci-dessus.
La commission d’une faute grave par l’agent n’aurait que pour incidence, si elle est justifiée et que les conditions de la responsabilité sont réunies, de voir diminuer le montant de l’indemnité, par l’octroi de dommages et intérêts au mandant qui devra bien entendu démontrer l’existence de son préjudice…